Mme Sabine Sciortino, conseillère d’action et de coopération culturelle et directrice de l’Institut français Beyrouth a remis les Insignes de Chevalier des Arts et des Lettres au Maestro Toufic Maatouk dans le cadre d’une cérémonie empreinte de solennité et d’émotion qui s’est tenue à l’Université Antonine de Baabda, le 28 avril, en présence notamment du R. P. Maroun Abou Jaoudé Abbé général de l’ordre Maronite Antonin, du R P Jean Alam, Vice- recteur au développement humain et intégral, représentant le Recteur de l’Université Antonine le R.P. Michel Jalkh, du Dr Hiba Kawas, présidente par intérim du Conservatoire national supérieur de musique, des présidents des différents festivals de musique au Liban, des parents et amis du décoré.
Dans son allocution Mme Sciortino rend un vibrant hommage au père Maatouk évoque son riche parcours sur le plan éducatif, pédagogique et musical dont dit-elle « la magnifique chorale que vous avez fondée et dont vous avez fait une renommée internationale ». « Vous avez dirigé la faculté de musique et de musicologie pendant onze ans, vous êtes devenu secrétaire général avant de passer le flambeau à votre frère Ziyad, toujours animé de cette volonté permanente de partager et de transmettre aux jeunes générations et de les amener à viser toujours plus haut, pour atteindre leurs objectifs. L’Université Antonine vous ramène également à votre foi bien sûr car entrer dans les ordres était pour vous une évidence et c’est cette même université qui vous a accompagné dans votre cheminement spirituel et vous a aidé à grandir et de la vocation d’un prêtre à celle d’un musicien il n’y avait qu’un pas, ce point de lumière entre la foi et la créativité et vous rejoignez cette lignée particulière de prêtres musiciens ou de musiciens prêtres dont Vivaldi et Monteverdi sont d’illustres représentants. Elle évoque aussi la direction orchestrale « peut être l’une des fonctions les plus nobles et les plus périlleuses qui soit donnée à un musicien accompli comme vous l’êtes ». Elle évoque ses multiples qualités et atouts : « Une grande technicité, une grande culture, la précision du geste mais aussi l’écoute, la générosité du cœur le souci du détail, la recherche de l’harmonie et cette passion irréductible qui l’habite ».
Maatouk : ce soir mon émotion est très forte
S’adressant à Mme la Conseillère et à l’assistance Maestro Maatouk affirme : « Votre présence est le plus beau témoignage de votre estime et de votre amitié, soyez-en toutes et tous vivement remerciés ».
« Étant francophone de formation, j’ai un lien particulier avec la France. L’impact de la culture française sur mon développement artistique est très important. La richesse et la diversité de l’art et de la culture française ont façonné ma sensibilité artistique et m’ont inspiré tout au long de ma carrière. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers Madame la ministre de la Culture Française Rima Abdul Malak pour m’avoir fait cet honneur ».
« Ce soir, mon émotion est très forte », poursuit-il « si vous êtes là ce soir, avec moi, c’est parce que tous, vous avez, à un moment ou à un autre joué un rôle dans ma vie d’acteur dans la vie musicale pour laquelle cette récompense m’est attribuée. Je voudrais vous montrer que ce soir nous ne célébrons pas une personne, mais une histoire commune. Je vais tenter de vous la raconter ». « On dit souvent dans le langage courant en parlant de telle ou telle personne « elle a du mérite », mais au juste qu’est-ce qu’est le mérite ? Je dirai qu’il se traduit par une forme de courage vécu avec persévérance au cours du temps dans l’adversité comme dans la réussite. Le mérite est fait de force et de ténacité, de vertus qui permettent au-delà de l’épreuve d’avoir toujours les yeux fixés sur le cap. Le mérite, je n’en ai pas plus que chacun et chacune d’entre vous, comme disait Charles Péguy « il y a autant d’amour à peler les pommes de terre qu’à construire des cathédrales. »
Père Maatouk évoque toux ceux qui ont fait ce qu’il est : « Je pense à mes chers parents qui ont élevé avec amour leur grande famille de 5 enfants. Leur mérite est immense. J’ai essayé de vivre au quotidien les valeurs qu’ils nous ont inculquées et de vivre avec mon frère Ziyad, les valeurs d’ouverture aux autres, du partage, du sens de témoignage et d’engagement que l’Ordre Antonin Maronite nous a inculqué ».
« Animé par la foi, j’ai donné un sens à mes engagements artistiques de chef d’orchestre, d’enseignant et de directeur artistique en les assumant comme une mission, comme un service en éveillant mes aptitudes et en évoluant au fur à mesure. Ma consécration religieuse m’a permis d’avoir une très grande disponibilité grâce à laquelle, j’ai toujours mené de front des engagements divers en parallèle à mes fonctions de directeur de la Chorale de l’Université Antonine, d’enseignant-chercheur à la Faculté de Musique et Musicologie et de Secrétaire Général. »
Maatouk évoque ses 15 années au sein du Conservatoire national supérieur de musique « cette institution occupe une place importante dans mon cœur, où en pédagogue, j’ai eu le bonheur de faire découvrir aux jeunes Libanais le savoir que j’ai acquis pour pouvoir affronter une carrière en ces moments difficiles. Une autre grande expérience, qui m’a permis de découvrir le musicien que je suis aujourd’hui, est l’Orchestre philharmonique National avec lequel j’ai eu la chance et le plaisir de travailler avec des collègues pour donner plus de 20 concerts. Mes prières vont à ce que cette institution importante du pays continue à disséminer l’Excellence musicale malgré les difficultés présentes ».
« Depuis douze ans, avec assiduité, j’assure la fonction de Directeur Artistique au Festival Beirut Chants, et ceci sur l’invitation de sa Fondatrice Micheline Abi Samra qui a cru en moi et m’a fait confiance. Comme je tiens à exprimer ma gratitude et mon estime à tous les festivals avec qui j’ai grandi et vécu de grands moments musicaux spécialement le Festival international de Baalbeck, le Festival Al Bustan et le Festival de Byblos ».
Il rend un vibrant hommage au père Joseph Waked « Avec le temps, j’ai compris que mon professeur n’était pas seulement un maître de musique, mais aussi un mentor. Aujourd’hui, je suis fier de dire que j’ai hérité de la passion et de l’amour pour la musique du Père Joseph Waked. Je suis également reconnaissant pour toutes les compétences que j’ai acquises et pour toutes les opportunités qui se sont offertes à moi grâce à lui. Ceci m’a permis de pouvoir vivre une des expériences les plus profondes et les plus enrichissantes de ma carrière musicale, c’est celle de commencer à travailler en 2005 avec un chœur d’amateurs, la Chorale de l’Université Antonine ou je croyais être de passage pour un an… Cette année s’est étendue à 18 ans et ça continue…et le travail assidu des choristes dont quelques-uns présents ce soir a porté ses fruits de labeur et au cours de ces années. La chorale de l’Université Antonine a entamé des tournées mondiales de la péninsule Arabe à l’Europe, de l’Amérique du Nord à l’Amérique latine incluant dans son livre d’Or de prestigieuses salles de concert, des chefs d’Orchestre et des chanteurs de renommée, tout en n’oubliant pas sa contribution artistique et culturelle à la société libanaise et ses concerts dans la majorité des festivals au Liban. Cette expérience m’a également appris l’importance de la patience, de la persévérance et de la confiance en soi. Travailler avec des choristes amateurs n’a pas toujours été facile, il m’a fallu apprendre à m’adapter à leur niveau, à leur rythme et à leurs aspirations. En conclusion, je dirais que la chorale de l’Université Antonine a été pour moi une véritable école de vie, une source de soutien et de motivation, et une aventure humaine extraordinaire.
Un prêtre en Arabie !!
Le fait d’accumuler une expérience artistique et musicale m’a aussi permis de faire des expériences enrichissantes dans des lieux auxquels je n’avais jamais pensé. L’expérience de contribuer comme directeur fondateur du premier conservatoire de Musique du Ministère de la Culture Saoudien était unique, autre que la surprise des gens et la fameuse phrase que j’entendais : “un prêtre en Arabie !!”, c’était une expérience très enrichissante au niveau professionnel qui m’a permis de connaître un peuple qui aime son pays.
Tout en étant convaincu que Riyad était la destination artistique de mes prochaines années, le vent a soufflé d’Abou Dhabi aux Émirats avec une invitation particulière du Festival d’Abou Dhabi, un festival bien établi dans l’excellence artistique, sous le regard d’une dame connue pour son soutien indéfectible pour la musique et les musiciens au pays arabes, S.E. Mme Huda Al khamis Kanoo, représentée ce soir par Monsieur Michel El Gemayel, le directeur général de ce Festival, devenu ma nouvelle famille avec qui je rêve et je continue à apprendre toujours. Je suis fier de faire partie de cette grande famille, et j’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve.
Je vis ces expériences dans un esprit de service, de témoignage et d’engagement qui m’a permis de trouver le bonheur et par là de développer des capacités dont je n’avais même pas conscience. Cela m’a appris à apprécier les petites choses de la vie et à faire preuve de gratitude pour tout ce que j’ai.
Qu’il me soit permis de remercier S.E Mme Anne Grillo, ambassadrice de France au Liban, Madame Sabine Sciortino Conseillère d’action et de coopération culturelle et Directrice de l’Institut Français, je chercherai toujours à servir la culture au plus haut niveau pour mériter cette distinction. Je remercie également le parrain de la cérémonie notre grand compositeur et fierté nationale Maître Naji Hakim pour son amitié, sa disponibilité et surtout son exemple, le révérendissime P. Abbé général Maroun Abou Jaoudé pour son support paternel, le Révérend P. Recteur Michel Jalkh pour son support continu durant toutes ces dernières années. Enfin, merci à vous tous qui êtes là, à un titre ou à un autre, votre présence donne tout un sens à cette belle distinction ».