Ce soir, à 20h30, « Cosi fan tutte » (« Ainsi font-elles toutes »), opéra bouffe de Mozart dans sa version concert de 2h15 à l’église Saint-Joseph (USJ). Un opus faussement léger et drôle, car il s’agit d’y trouver les clefs du bonheur…
Plus d’une centaine de musiciens entre instrumentistes (l’Orchestre philharmonique libanais), choristes (Université antonine), solistes (artistes lyriques venus expressément de l’étranger) et un accompagnateur au clavecin (Fabio Centanni) vont faire miroiter tous les jeux du hasard et de l’amour à travers le concept de fidélité et d’infidélité pour un Cosi fan tutte présenté dans sa version concert de 2h15 à l’église Saint-Joseph (USJ). Sans décor, sans costumes et sans artifice aucun, avec seulement la vigueur et la puissance de leurs voix et la gestuelle de leurs corps. L’inconstance n’est assurément pas l’apanage des femmes, les hommes en sont atteints tout aussi bien et incurablement…
Sur un canevas testant l’endurance des femmes face à la tentation, deux fiancées sont menées en bateau par leurs futurs maris… On assiste donc, amusé et inquiet, à cet assaut affectif et ces ruses de la séduction. Mais après moult péripéties invraisemblables et cocasses, tout finit par rentrer dans l’ordre avec une morale qui donne à réfléchir surtout à une époque aussi laxiste que la nôtre.
Qu’en pensent-ils ?
Rencontre informelle avec les chanteurs venus pour interpréter cette comédie de l’amour. Elena Monti, soprane, qui campe Fiordiligi dit : « Je chante les notes les plus hautes en m’adaptant aux nuances d’un vaste registre. À chaque fois, je découvre dans cette partition des beautés vocales différentes. C’est le génie de Mozart… J’ai deux arias, l’une est un bouquet étincelant et la seconde est plus intimiste avec une part plus grande réservée à l’intériorité… » Natalie Perez, mezzo-soprane qui interprète Donatella, affirme chanter une seule aria. « Un air frénétique d’une expressivité haletante, dit-elle, il faut trouver là l’équilibre entre la sincérité et l’emphase. »
Rouquine, tout en rondeur avec des yeux pétillants, Caterina Di Tonno se glisse sous plusieurs rôles. S’agissant de Despina, une coquine qui tire les ficelles, en prenant moult attitudes sur scène, elle dira : « C’est “crispy”, croustillant, craquant, avec des changements de voix amusants, c’est brillant. » Côté fils d’Adam, le « cast » réunit un beau trio de voix masculines. D’abord le baryton Philippe-Nicolas Martin qui arbore les traits de Guglielmo et plonge dans la séduction. « Je me déguise pour plaire à la femme que j’aime. Pas de difficulté particulière dans ce passage chanté, car n’oublions pas qu’il s’agit de Mozart. Ses lignes mélodiques et ses couleurs sont toujours extraordinaires… »
De même pour Jonathan Boyd qui avoue : « Pour moi sur scène il y a un moment de vrai amour. » Et puis c’est du Mozart pour une tessiture forte et passionnée ! Le jeune baryton Cesra Naassy, libanais fraîchement arrivé de Montréal, à la tignasse sombre annelée et la bouille avenante sera Don Alfonso. « Un vieux philosophe au caractère mystérieux, dont on ne voit pas les faiblesses. Ici, le chant est différent de l’opéra. J’aime surtout les récitatifs, car il y a là une dimension à piocher… »
Le denier tour de baguette est bien entendu à maestro Toufic Maatouk. Quel commentaire sur cet opus mozartien ? « Je reprends, dit-il, les propos de Kant : Cosi fan tutte, ou l’école des amants, est une fable philosophique sur l’amour. J’attache une grande importance au libretto. Cette œuvre parle de la recherche du bonheur. Le seul défi est de captiver le public sans décor et sans costumes… »
Pari, certainement, gagné et gagnant. Avec un casting de tonnerre comme celui-là, Mozart est bien servi. Et le public aussi. Et en avant la musique !
Cette soirée est sous l’égide du Conservatoire national supérieur de musique et de l’Université antonine en collaboration avec l’Académie du festival d’Aix-en-Provence, de l’Institut français et de l’Institut culturel italien.